Pourquoi valoriser une entreprise ?
Estimer la valeur réelle d’une entreprise est un exercice crucial à bien des égards : levée de fonds, rachat, cession, entrée de nouveaux associés, sortie d’un actionnaire… ou tout simplement pour prendre du recul sur la performance de son business. Que vous soyez fondateur, investisseur ou dirigeant, comprendre la valorisation vous aide à prendre des décisions éclairées.
Mais attention : il ne s’agit pas de prendre « un chiffre au doigt mouillé » ou de se fier uniquement aux dires de l’un ou l’autre conseiller. La valorisation reste un subtil mélange d’analyse financière, de stratégie, et parfois… d’un brin de storytelling.
Dans cet article, je vous propose de découvrir trois méthodes éprouvées pour valoriser une entreprise, avec leurs avantages, leurs limites et des exemples pour mieux les comprendre.
La méthode patrimoniale : la photo à l’instant T
C’est la méthode la plus « tangible ». Elle repose sur le principe de l’actif net réévalué : on fait l’inventaire de tout ce que possède (actifs) et tout ce que doit (passifs) l’entreprise, puis on fait la soustraction. Résultat : on obtient une valeur comptable nette.
Comment ça fonctionne ?
La base, c’est le bilan comptable. Mais ici, on ne se contente pas des chiffres bruts. On réévalue certains actifs (immobilier, matériel, brevets, marques…) à leur valeur de marché. On peut aussi intégrer ce qu’on appelle les « éléments incorporels » comme le savoir-faire ou la notoriété, bien que ce soit subjectif.
Avantages :
- Simple à mettre en œuvre, surtout pour une activité traditionnelle ou patrimoniale (industrie, immobilier, etc.).
- Basé sur des éléments concrets et vérifiables.
Limites :
- Ne tient pas compte de la rentabilité future ni du potentiel de croissance.
- Mal adapté aux entreprises technologiques ou aux startups.
Exemple : une entreprise de menuiserie possède 300 000 € d’actifs (comptoirs, machines, stock) et 100 000 € de dettes. Sa valeur patrimoniale nette sera donc de 200 000 €. Simple, efficace… mais parfois réducteur.
La méthode des comparables : que vaut le voisin ?
Ici, on joue le jeu du marché. On regarde combien des entreprises similaires à la vôtre (taille, secteur, zone géographique…) ont été vendues récemment ou sont valorisées (par exemple en Bourse). On applique alors un multiple sur un indicateur clé : chiffre d’affaires, EBITDA, résultat net, etc.
Comment l’appliquer ?
Par exemple, si dans votre secteur, les sociétés sont valorisées en moyenne à 6 fois leur EBITDA, et que votre entreprise affiche un EBITDA de 150 000 €, alors sa valorisation estimée sera de : 6 x 150 000 = 900 000 €.
Avantages :
- Reflète les tendances actuelles du marché.
- Facilement compréhensible par les investisseurs.
Limites :
- Nécessite d’avoir accès à des données fiables de transactions comparables.
- Peut masquer les spécificités propres à votre entreprise (niveau d’endettement, avantage concurrentiel…).
Anecdote : lors d’une mission de conseil en 2022, j’ai accompagné une PME tech dans la recherche d’investisseurs. Nous avons utilisé cette méthode pour positionner stratégiquement l’entreprise par rapport à ses rivaux. Résultat : une valorisation 18 % supérieure à ce qu’aurait donné une méthode purement comptable.
La méthode DCF (Discounted Cash Flows) : la vision stratégique à long terme
C’est la méthode reine pour les analystes financiers, mais aussi la plus exigeante. Elle repose sur une estimation des flux de trésorerie futurs que l’entreprise va générer, actualisés au taux de rentabilité attendu par l’investisseur. Autrement dit, on fait la somme de ce que l’entreprise est censée rapporter… mais avec un œil critique sur le temps et le risque.
Voici les grandes étapes :
- Établir des prévisions de trésorerie sur 5 à 10 ans.
- Déterminer un taux d’actualisation (souvent autour de 8-12 %, mais ça dépend du risque).
- Calculer la valeur actuelle nette (VAN) de ces flux futurs + une valeur terminale (postérieure à la projection).
Avantages :
- Permet de prendre en compte le potentiel de croissance, l’innovation, même les effets d’une expansion à l’international.
- S’adapte très bien aux startups à forte scalabilité ou aux business en transformation.
Limites :
- Requiert de nombreuses hypothèses (parfois très optimistes… vous voyez de quoi je parle ?).
- Moins intuitif pour quelqu’un qui découvre la finance d’entreprise.
Exemple : un SaaS B2B prévoit 200 000 € de cash-flow libre en année 1, avec une croissance de 20 % par an sur 5 ans. En actualisant ces flux à un taux de 10 %, on arrive à une valorisation d’environ 1,2 million d’euros. Intéressant… à condition que les chiffres tiennent la route.
Alors, quelle méthode choisir ?
Tout dépend de votre objectif et de votre secteur. Un industriel établi préférera souvent la méthode patrimoniale. Une startup en forte croissance s’orientera vers le DCF. Et dans tous les cas, la méthode des comparables constitue un bon point d’ancrage.
En réalité, les professionnels combinent souvent plusieurs approches pour croiser les résultats, affiner les hypothèses, et ajuster au contexte de négociation. Une estimation de valeur ne vaut que si elle est partagée par les deux parties autour de la table.
Le « juste prix » n’existe pas, mais une fourchette cohérente, argumentée et bien présentée a beaucoup plus de chances de convaincre investisseurs ou repreneurs.
Quelques conseils pratiques pour affiner sa valorisation
- Soignez votre business plan : un document réaliste, argumenté et sourcé peut faire toute la différence dans une approche DCF ou même dans un pitch à des investisseurs.
- Utilisez des outils de simulation : Excel suffit souvent, mais de nombreux outils en ligne (comme DealRoom ou Equidam) permettent d’automatiser certaines projections.
- Sollicitez un regard extérieur : un expert-comptable, un mentor, ou un autre entrepreneur peuvent vous aider à identifier des hypothèses biaisées ou trop optimistes.
À retenir
Valoriser son entreprise, ce n’est pas juste une histoire de finances, c’est aussi un acte stratégique. C’est savoir se positionner, raconter une histoire crédible, et projeter l’avenir. Ce n’est jamais une science exacte, mais une démarche rigoureuse peut structurer efficacement votre réflexion… et faciliter les discussions futures avec investisseurs ou partenaires.
Et si vous hésitez entre plusieurs méthodes ? Faites-les toutes ! Plus vous maîtrisez les différents angles d’analyse, plus vous serez à l’aise pour défendre votre valeur. Et comme le dit souvent un investisseur que je connais bien : « Ce n’est pas la meilleure valorisation qui passe… mais celle que tout le monde comprend et accepte. »